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Les délais déraisonnables des CPH de Bobigny, Nanterre et Longjumeau

Les délais déraisonnables des CPH de Bobigny, Nanterre et Longjumeau

Selon l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sa responsabilité n’étant engagée que par une faute lourde, constituée par une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, ou par un déni de justice.

Aux termes de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

En l’occurrence, il est constant que M. M. a saisi le Conseil de prud’hommes (CPH) de Bobigny le 20 mars 2006 et que le bureau de jugement de la section commerce de ce conseil, statuant en formation de départage, a prononcé son jugement le 28 août 2009, soit après trois ans et cinq mois, le délai écoulé entre la décision de partage du bureau de jugement (le 11 décembre 2006) et la date de l’audience de départage (30 juin 2009) étant de deux ans et plus de six mois, étant observé que M. M. n’a eu connaissance de cette dernière date que le 10 avril 2009. [... ]

Le délai de fixation à l’audience du CPH en formation de départage ne respecte pas les dispositions de l’article L. 1454-2 du Code du travail prévoyant un délai d’un mois. En outre, la fixation à l’audience de conciliation était contraire aux dispositions de l’article L. 1245-2 du même code. [...]

Il n’est ni justifié ni allégué que M. M. a contribué par son comportement à l’allongement de la durée de l’instance. La procédure ne présentait pas un caractère de complexité particulière, l’obligation des parties de communiquer les pièces et écritures étant sans effet sur la date de fixation de l’audience, en l’absence de mise en état de la procédure orale du CPH.

L’éventuelle difficulté rencontrée par les magistrats dans l’appréciation des demandes à l’issue de l’audience de jugement n’expliquent pas plus la durée excessive entre l’audience du bureau de jugement s’étant mis en partage et la date de l’audience présidée par le juge départiteur, le délai de fixation ne s’expliquant que par l’encombrement récurrent et ancien de ce tribunal.

Pour autant, le nombre d’affaires dont cette juridiction est habituellement saisie et les difficultés d’organisation que cela ne peut manquer d’entraîner, comme la particularité de la procédure devant le CPH, ne peuvent décharger l’État de sa responsabilité.

Au contraire, ces éléments de fait ou de droit imposent à l’État l’obligation de prendre toutes les mesures utiles afin d’assurer aux justiciables saisissant le CPH de Bobigny, et notamment M. M., la protection juridictionnelle effective qu’il leur doit, alors surtout que le législateur a prévu de répondre aux besoins des demandeurs saisissant la juridiction du travail en fixant des délais de traitement particulièrement brefs. L’agent judiciaire du Trésor ne rapporte pas la preuve que des mesures particulières ont été prises par le ministère de la Justice ou par la juridiction en cause, afin de rechercher une solution pérenne aux difficultés rencontrées par le CPH de Bobigny. Dès lors, la responsabilité de l’État est engagée.

Le préjudice moral de M. M., résultant notamment du fait qu’il n’a pas perçu les sommes dues au moment où il s’est retrouvé sans travail et du fait de l’incertitude sur le résultat de la procédure, doit être indemnisé à hauteur de 7000 euros. [...]

4 TGI Paris, 18 janv. 2012, n° 11/02512

Ce jugement fait partie d’une série de 16 décisions du même jour, qui pointent également la responsabilité de l’État dans le fonctionnement des CPH de Nanterre et de Longjumeau.